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BlueBéryl

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TW : scènes violentes mentionnées ou décrites | Tropes : Stalker - Mercenaire - Vengeance | Cette histoire est une fiction


Inséparables jusqu'à sa silencieuse disparition, il était mon ami et plus encore. Les souvenirs refont surface, les questionnements ressurgissent, l'obsession renait de ses cendres. Les sentiments n’ont pourtant plus leurs places dans mon monde régi par la violence et le sang. Mais, me voilà, en chasse du seul homme que j'ai aimé, Zayne.


Blue béryl

PLAYLIST (spotify)


Madalen Duke - How villains are made

Austin Giorgio - She's an actor

Zabo - Drown

Chris Stapleton - Tennessee whiskey

Elvis Drew & Avivian - Not enough


 

1. À CHAQUE MAL UN BIEN


- Prépare-toi, il ne va pas tarder.

La voix de Liam résonne à travers l’oreillette.


- Putain tu m’as détruit le tympan enfoiré!

Dis-je en fronçant les sourcils, surprise.


- Hé! Avoue que ça te fait du bien un peu de compagnie, on devrait faire ça plus souvent !

Je sais qu'il me taquine, sa voix est enjouée, comme à son habitude. En temps normal cela m’aurait arraché un sourire, mais pas tant que je me tiens derrière une arme prête à tirer. Mon précieux M107, un fusil doté d'une merveilleuse précision.


- Ta gueule Liam et ouvre là quand ça devient croustillant.

Je soupire, puis quelques longues secondes silencieuses s'ensuivent accompagnées par les bruits environnants. J'ai l'habitude d'œuvrer en solitaire et je ne compte pas être distraite, Liam le sait.


- Trois.. Deux..

Sa voix brise à nouveau le paisible silence, je déglutis puis pose mon doigt sur la détente. Comme d’habitude je n’ai pas de deuxième chance, un seul coup, une mort. Ma respiration est calme, contrairement à mon cœur qui bat la chamade. Putain que c’est bon de te sentir, toi, ma chère adrénaline ! Je suis installée dans un immeuble insalubre, tellement à l'abandon que personne ne le regarde jamais. Mon arme est posée proche d'une fenêtre brisée et mes yeux sont rivés sur ma cible, située plus bas, en train de sortir d'un bâtiment bien plus propre que celui-ci dans lequel je me trouve. L'homme s'arrête et réajuste sa veste de costume bleu marine. Il reste statique et c'est du pain béni !


- Un.

Je finis le décompte dans un murmure en appuyant sur la gâchette. Boum. Son corps s'effondre au sol pendant que mon passé ressurgit, comme à chaque tir réussi.


Béryl - huit ans


- Papa on va ou ?

Je regarde mon père de mes yeux encore endormis pendant qu'il m'ordonne d'attacher ma ceinture.


- Ta mère n'est pas rentrée et j'ai du boulot alors ferme tes yeux et boucle là tu veux.

Sa voix est sèche, comme toujours, des fois je me demande s'il m'aime. Peut-être bien que oui, parce qu'il ne me tape jamais, maman ne peut pas en dire autant, je l'entends souvent pleurer et le supplier d'arrêter. Mon père met le contact puis nous roulons je ne sais combien de temps. Je regarde les étoiles à travers la vitre, la lune nous suit, c'est joli. Il s'arrête dans la forêt en prenant quelque chose dans la boite à gant puis s'extirpe du véhicule.


- Tu m'as ramené un cadeau Dan, elle est mignonne!

Dit un vieil homme qui s'avance à grands pas à travers les phares de la voiture.


Puis un bruit, un impact, du sang, un deuxième dans sa poitrine, encore plus de sang et mes yeux qui ne s'en détournent pas, figés. Mon père baisse son arme et rebrousse chemin jusqu'à la voiture, le dos droit, les yeux sombres et.. et je lis un amusement sur ses lèvres.. l'ombre d'un sourire.. comme.. de la satisfaction.


- Crois-moi, il le méritait. Tu comprendras un jour. A chaque mal un bien ma fille.

Mon père reprend place sur le siège conducteur, sa voix est détachée tandis que mes yeux fixent toujours droit devant eux. Paralysée. Nous continuons de rouler, puis un nouvel arrêt. La nuit risque d'être longue, mais la lune nous suit toujours, elle veille sur moi.


- WOUH ! En plein dans le ciboulot ma grande ! Ha ha ! Bon, ramène ton cul, j’ai un café pour toi.

La voix de Liam me sort de ce souvenir, ces images m’assaillent à chaque fois, me rappelant que j'ai eu un cœur, moi aussi. Avant. Parfois c'est l'image du premier homme que j'ai tué qui prend possession de mon âme. Son regard, mon dégout pour lui, pour moi, pour ce monde.


- T’as pas plutôt une bière ?

Je remballe l'arme avec rapidité et passe mon sac sur mon dos avant de dévaler les escaliers. Mon cœur se comprime, car le risque zéro n'existe jamais, ces secondes sont précieuses. Liam m’attend derrière le volant de sa foutue caisse de flics à l'arrière du bâtiment. Toujours sa clope à la main et son fidèle sourire à toute épreuve. Je balance mon sac dans le coffre et prends place sur le siège passager tout en vissant plus fort la casquette sur mon crâne. Nous échangeons un regard, puis mon sourire s’élargit en prenant la cigarette coincée entre ses lèvres.


- La je te retrouve beauté !

Dit Liam en mettant le contact, laissant derrière nous cette macabre scène.


- Une sombre merde en moins sur cette terre. Faut vite décamper.

Dis-je en crachant la fumée de ma cigarette tout en me calant au fond du siège, puis je retourne la tête vers mon binôme et reprends.

- Au fait, t’as les infos que je t’ai demandées sur.. son fils ?


- On va avoir un problème si tu veux le buter celui-là Béryl !

Liam me lance un regard en haussant un sourcil, signe qu’il est plus que sérieux, croyez-moi !


- Mais non c’est juste… perso.

Dis-je en détournant le regard vers la vitre. Ouais c'est perso, une belle rancœur personnelle. Lorsque l'on m'a parlé du contrat sur la tête de Gabriel Cruz, l'homme que je viens d'abattre, des souvenirs enfouis au plus profond de mon cœur ont ressurgi. Zayne Cruz, son fils, et son putain de visage hante à nouveau mes nuits. J'avais pourtant rangé cette histoire, enfouie à jamais, mais la vie nous remet toujours face aux choses que l'on ignore.


- C’est un flic de New-York, mais il se ramène à Boston avec ses gars. Tu me diras, il sera sur place pour l’enterrement de son père au moins !

Dit-il en pouffant de rire alors que je me fige. Tout est matière à le faire sourire, ce qui n'enlève en rien ses compétences, c'est un homme bon, à la morale douteuse certes, comme moi finalement.


- Un flic ? Mais.. Li.. a.. quoi.. pour.. pourquoi ?

Mon visage se ferme et je me redresse en fixant mon binôme, l'air grave. Zayne est devenu flic..


- Pour le dossier Domènes. L'ordre vient de plus haut Béryl, je n'ai pas eu mon mot à dire. Ils renforcent les équipes, surtout depuis la mort de Josh. Tu sais, dès qu'on touche à un flic, l'enquête prend toujours une autre tournure.

Liam me lance un sourire triste, Josh était un dommage collatéral. Il y a un mois, mon plan était prêt, j'allais enfin mettre un terme à un massacre. Domènes ne fait pas dans la finesse, il est ce qu'il y a de pire. Imaginez ce qu'un assassin peut faire de plus douloureux à un humain, et bien Domènes le fait chaque jour. Mais Josh s'est mis en travers de mon chemin, mauvais timing, il guettait dans l'ombre tandis que je m'apprêtais à faire justice, à ma façon, et il m'a prise pour une complice. Je m'en suis sortie avec une balle dans la cuisse, lui, dans le cœur. Voilà le problème lorsque je chasse en même temps que la police. Je dois être discrète, plus maline, plus rusée. D'où la présence de mon binôme aujourd'hui, une sorte de sécurité si l'on croise un flic.

Officiellement je ne travaille pour personne, en pratique, je reçois des contrats de la part de Liam. Il est mon cerveau et je suis son arme. Et oui, les lois ne sont pas toujours celles que l'on croit. Ma manière de procéder est certes brutale, ma justice est radicale, mais ce monde n'a pas besoin de certains individus et les prisons non plus.


- Tiens, ce sont toutes les infos sur ce Zayne que j'ai pu trouver. reprend Liam face à mon silence. Pour ce qui est du reste je te tiens au courant. Et pitié Béryl, ne l'approche pas, qu'importe le passif, reste loin. Tu ne peux pas prendre le risque de te lier à un flic.

Sa voix est grave, mais je connais les risques et je ne compte rien faire pour le moment. Pas avant d'avoir un plan.


- Ouais je sais.. t'es vraiment l'exception qui confirme la règle enfoiré!

Je lance un clin d’œil à mon binôme préféré tout en mimant un baiser. Le dossier rencontre mes mains avant qu’il ne tombe sur mes cuisses. Mais mon téléphone vibre dans ma poche avant que je n'eus le temps de feuilleter ce trésor.


Kat : Tu payes ta tournée ce soir

Béryl : Ai-je le choix ?

Kat : Si t’es encore vivante, non !


Je souris en secouant la tête avant de ranger mon téléphone. Après quelques minutes de route, Liam me dépose à ma voiture laissée six heures plus tôt dans un champ. Je me hisse hors de son véhicule et récupère mon attirail. En partant, je le salue par un doigt d’honneur puis je l'entends crier son fameux "va te faire voir sorcière!", un rire franc m'échappe. On aurait pu être ami, dans une autre vie. Ou amant, parce qu'il est sacrément sexy ! Ou ne coupl.. wow je délire.


Je traverse les hautes herbes jusqu'à mon vieux 4x4 beige, puis je prends une grande expiration en m'affalant sur le siège conducteur. Mes doigts se serrent autour du volant dans un silence assourdissant et le visage de Gabrielle Cruz me revient. Ce fils de pute. Ses péchés étaient nombreux, traitant les femmes comme des objets et je vous passe les détails. Les plaintes disparaissaient comme par magie. Facile lorsque l'on a de l'argent et les connaissances. Malheureusement pour lui, Liam a eu vent de ces voix mises sous silence et ensemble nous avons préparé notre coup. Si la justice traditionnelle ne fonctionne pas, nous le faisons à sa place.


Zayne avait été témoin du vice de son père, donc je savais qu'il était tordu, mais pas à ce point. Son géniteur était un violeur, le mien un assassin.. bonne ambiance non ?! J'admirais sa capacité à garder une âme pure contrairement à celle que je possédais. Son bouclier était fait d'espoir, le mien était fait de rage. Il était mon nuage de douceur au milieu de mon désespoir.


Mes mains serrent davantage le volant, prise dans une avalanche de souvenirs, je ferme les yeux avant d'allumer le moteur et prendre la route. Putain. Zayne est à Boston. Putain. Zayne est flic. Putain. Pourquoi mon cœur s'affole. Putain. Je veux le voir. Putain. Non. J'ai besoin de le voir.


 

2. LES ZINZINS


Béryl - Quinze ans


- Putain t'as failli faire tomber mon bouquin t'es vraiment une emmerdeuse!

Dit Zayne en haussant le ton lorsque je lui donne un coup sur l'épaule. Cela fait 20 minutes que nous sommes sur le toit de sa maison. Comme à notre habitude. Lui, lit son bouquin tandis que j'observe le ciel. Cependant, je ressens le besoin d'obtenir son attention sans savoir comment faire. Comme toujours. Hier mes parents se sont disputés toute la nuit, mais je n'ai pas envie d'en parler, je veux seulement qu'il .. qu'il me prenne dans ses bras.


- C'est de la merde tes histoires, tu veux pas.. qu'on apprenne des prises de judo ?

Dis-je d’un ton enjoué en me redressant.


- Non Blue !

Zayne soupire puis me regarde longuement avant de taper sur son torse pour m'y inviter. Gagnée ! Je lis dans son regard qu'il a compris, mais il n'en parlera pas tant que je ne lance pas le sujet.


- La prochaine fois que tu m'engueules, je te jette du toit.. chiffe molle.

Dis-je dans un murmure rauque, puis je me laisse bercer par les vibrations de son rire, suivi des doux battements de son cœur. Je ferme les yeux et savoure cette sécurité que seul Zayne sait me donner.

 

Il était mon ami, mon voisin, mon tout, avant que lui et ses parents ne déménagent l'année de nos seize ans. Nous devions nous retrouver pendant les vacances, mais du jour au lendemain, il a cessé de m'appeler, un silence pesant, incompréhensible, brulant. Zayne était le point central de mon univers, mon monde à lui seul. On prenait soin l’un de l’autre depuis toujours et pour toujours, du moins, c’était ce qu’on s’était promis. Quand les autres ne voyaient en moi que de la rage, Zayne ne m’a jamais fuie, car il voyait mon âme, dans son entièreté. Ce grand brun était la seule personne présente dans ma vie, puis il avait disparu pour une raison que j'ignore encore. J’ai vrillé, complètement. Dans ma solitude, ma violence a triplé de volume et face à cette rébellion, mon père m’a envoyée à l’académie militaire de West Point. Je me sentais si seule, si vide, errant dans ma propre existence. Zayne de son côté n’a jamais été solitaire, alors, peut-être m’avait-il lâchement remplacée. Après tout, qui suis-je pour que l’on se souvienne de moi ?


*


La porte de mon appartement claque après mon entrée, suivie de près par Kat qui m'attendait en bas de mon bâtiment. Lorsque nous rentrons, mon être vivant préféré vient se frotter entre mes mollets.


- Coucou toi ! Laisse maman ranger ses affaires mon trésor.


- Laisse maman ranger ses affaires mon trésor ! T’es vraiment cucul quand tu t’y mets !

Kat m’imite avec des grimaces ce qui me fait exploser de rire dans la seconde.


Je secoue la tête en partant dans la chambre ranger mes affaires. Merci le faux fond de mon armoire, une redoutable cachette ! Lorsque je reviens dans la cuisine/salon/salle à manger, je veux dire, l’unique pièce principale, mon amie me tend une bière fraiche. Je cale une cigarette entre mes dents et nous sortons sur mon balcon, aussi grand que mon appartement, aller comprendre !


- Pub ce soir ? J’ai quelqu’un à te présenter !

Me lance Kat avec un regard furtif.


- Pitié pas un plan foireux.

Dis-je en levant les yeux au ciel avant de reprendre.

- Je suis une grande fille pour trouver moi-même mes plans cul.


- Mais non abrutie ! J’ai rencontré quelqu’un !


- Oh putain c’est pire..

Je réponds dans un soupir en laissant sortir la fumée de ma cigarette entre mes dents


Kat me claque l'arrière de la tête en rigolant, puis nous discutons de tout de rien, entre deux éclats de rire, deux souvenirs. Et je savoure cette légèreté, me permettant d'oublier un tant soit peu le fait d'avoir ôté une vie, encore.


C’est pendant mes années d’études à West Point que je l'ai rencontré. Cette brunette à la peau dorée est venue me prêter mainforte durant un conflit et je peux vous dire que son regard vert assassin est parfois suffisant ! Alors, de fil en aiguille, disons que l’on a tissé un lien. Max s’est ajouté par la suite à notre duo, un blondinet aux jolies bouclettes. Il a l’air d’un ange vu de loin .. de.. très loin .. angéliquement diabolique ! C’en est suivi d’un contrat militaire obligatoire de 5 ans pour nous trois, qu'aucun n'a renouvelé et nous voilà de retour à Boston depuis 1 an. Comme moi, Kat et Max viennent du coin. C'est à ce moment-là que Liam est apparu, me proposant de bosser pour lui. Je suppose qu'il avait fait ses recherches à mon sujet, ou au sujet de mon père, ce mercenaire engagé secrètement par l'armée, d'un sang-froid rare à vous tuer sans balle. Tel père, telle fille, alors disons que je suis la faucheuse version autoentrepreneur vous voyez ! Derrière mes longs cheveux acajou et mes crocs top colorés, se cache une arme prête à tout détruire, seuls mes pantalons cargos ainsi que mes rangers donnent un indice sur qui je suis. Le diable se cache souvent derrière les visages les plus tendres. Mes deux zigotos de camarades baignent également dans l’illégal, alors nous survivons ensemble entre deux bières, les mains tachées de sang s’assurant que nous sommes toujours vivants.


*


J’applique mon rouge à lèvres violine tout en marchant vers le bar au côté de Kat. Point positif, mon appartement se trouve juste au-dessus du pub. Nous n'avons pas à nous soucier de la façon dont nous allons rentrer, ou nous garer, ou encore le temps de trajet !


Bon sang, j'ai besoin de décompresser ce soir.


Une fois confortablement installé devant le comptoir, comme à notre habitude, Kat me raconte sa relation naissante avec Frieda, cette dernière est une serveuse du bar. J'avais remarqué quelques œillades entre elles les fois précédentes, mais pas de là à penser qu'elles avaient une relation... sérieuse. Ce n'est pas vraiment notre genre ! Frieda vient nous saluer à la vitesse d'un éclair, une chose est sûre, ces deux-là vivent une jolie amourette. Ça me file la gerbe. Elles sont tellement mignonnes que l'amour se renifle à des kilomètres. Oh mon dieu, je pense avoir une allergie.


- Kat j’adore te voir amoureuse t’es mignonne, mais je préférais tes anecdotes de plan foireux!

Un rire s’échappe de sa jolie bouche, je l'imite avant de boire ma bière.


- Ok ça va, prends-moi un autre verre ça me fera me la fermer et garde ma place, j’vais pisser.


Je hoche la tête et lève la main vers le serveur quand une ombre se place dos à moi, sur le tabouret ou Kat était 3 secondes plus tôt. Un « Héééé » sort de ma bouche afin de l'interpeler pour l’inviter à déguerpir, mais il n’en fit rien et continue sa discussion avec une blonde faite de plastique. Je tape violemment son épaule foutrement musclée ce qui le fait réagir. Mais monsieur se retourne au ralenti. Putain il s’est cru dans un film cet enculé. Je me lève lorsqu'il se dresse dangereusement devant ma personne. Son visage proche, trop proche. Je serre les dents sans lâcher son regard. Le mien probablement remplie de rage, comme chaque fois que je me retrouve face à un homme dans son genre. Je ne les supporte plus.


- Dégage, cette place est prise.

Dis-je sans baisser les yeux d'une voix tranchante.


Il réduit l'espace entre nous en plaçant ses mains sur le comptoir de sorte à me piéger entre ses bras. C'est dommage, il est plutôt pas mal. Je le fixe avec mon fidèle sourire narquois. Du coin de l’œil, j’observe Kat revenir et tourne la tête dans sa direction avec une moue faussement désolée. Sans une seconde de plus, je claque mon genou dans les couilles du beau-gosse, puis profitant de sa faiblesse, je le contourne et l'attrape par les cheveux afin de le cogner sur le comptoir avant qu’une paire de bras me soulève du sol. Mes pieds dansent dans les airs pendant que l'on me porte vers la sortie où un vent glacial me gifle le visage.


- C’est bon Kat lâche moi.. putain on se pèle le cul !

Cette femme a une force qui me fascine à chaque fois, pourtant nous avons plus ou moins le même gabarit. Ses bras me lâchent, je remets mon t-shirt en place lorsqu'une ombre se met à courir à ma droite, puis la voix de mon amie résonne dans mon dos.


- T'es là toi. Allé, on rentre. Je suis fracassée de toute façon.

Je la regarde, bouche bée, je n’arrive même plus à réfléchir.


- Bé ça va ? On dirait que t’as vu un mort !


- Tu l’as vu, le gars, tu l’as vu ?

Je réponds la voix emplie de tourments en passant la main dans mes cheveux


- Non il avait une casquette, surement un mec de la sécu qui a fini son service. Un problème ?

Kat fronce les sourcils me fixant droit dans les yeux.


J'affirme que non d’un signe de tête avant d’avancer jusqu’au minuscule parking à côté de l’entrée de mon immeuble. Une fois devant sa voiture, on s'enlace pour se dire au revoir et je me dirige vers les marches de mon entrée tout en me refaisant le film de la soirée. C’est la troisième fois que ce genre de choses m’arrive, je suis bien placée pour savoir que les super héros n’existent pas. Si quelqu’un vous sauve, il attendra forcément quelque chose de votre part. D’autant plus que je n’ai aucunement peur de la bagarre, au contraire. Dommage. Pas d’os brisés pour Béryl ce soir, juste une paire de burnes en souffrance.


Une fois à la maison, je sors sur mon balcon, les avant-bras sur la rambarde et fume ma dernière clope de la journée. Un bruit de moto attire mon attention et l'homme s’arrête pour regarder dans ma direction. Malheureusement je ne vois pas son visage à cause du casque et quand bien même, étant au deuxième étage, je n’aurai pas vu grand-chose ! Ce bruit que j’aime tant s’envole avec la distance. Cela fait longtemps que je rêve de passer mon permis moto, mais je n’ai jamais fait les démarches. Sans doute par flemme ou par crainte de cet échec qui briserait mon ego.


Ouais madame a un petit ego fragile, seulement je présente l'inverse au monde afin de masquer cette faiblesse. Nous pouvons cacher tant de choses derrière une façade, une apparence, donner l’image de tout et son contraire afin d’éviter, de fuir, ne plus jamais revivre, ne pas ressentir. Mes dents se plantent violemment dans ma lèvre inférieure afin de faire taire cette douleur qui menace de ressurgir. Sentir une douleur physique éloigne celle du cœur. La sonnerie de mon téléphone me sort de mes pensées. Katrina.


- Qu’est-ce que t’as oublié ?


- On me suit et j'ai clairement un mauvais pressentiment Bé. Je t’envoie ma géoloc, Max est au courant et le connaissant il doit être en route.


- T’as une vue ?

Dis-je en fermant ma fenêtre la cigarette encore à mes lèvres.


- Une moto sans plaque, un mec assez baraqué.


- Garde ta batterie, je prends la route. D’autre info ? Armé ?

Je lui demande tout en tirant mon 9mm caché sous mon matelas et le glisse dans ma ceinture avant d'embrasser Malo -mon chat .. vous l'avez .. le jeu de mots ?- !


- RAS.


- Ok à tout de suite.

Dis-je en claquant ma porte d'entrée.


Putain de journée de merde. Je m'installe devant mon volant, le GPS ouvert pour suivre à la perfection le chemin de Kat. Cette dernière se trouve à quelque kilomètre, il ne sera pas compliqué de la rattraper. Mes pneus dérapent une fois de plus, tant qu’ils ne crèvent pas. J’augmente la vitesse afin de rejoindre ma camarade au plus vite lorsque je reçois un appel de Max, je ne l’ai pas revu depuis notre dernière sortie tout les trois, il y a 3 mois. Kat sait se démerder, mais dans ces situations on ne prend jamais de risque, puis elle est amoureuse maintenant, elle a trouvé une bonne raison pour tenir à sa vie ! Je décroche l’appel et active le haut-parleur de la voiture.


- Ouais tête de gland je suis à 500m de Kat et toi ?


- Je suis derrière ton 4x4 qui pue la rouille et le tétanos à 10 bornes !


- Tu m’as manqué Max !

Je réponds non sans rire avant d’enchainer plus sérieusement.

- Bon c’est quoi le plan ? On le bute ?


- Putain, mais quelle sauvage !

Je l’entends ricaner de l’autre côté de la ligne ce qui élargit mon sourire.


- Bon. Écoute. Je propose qu'on passe devant Kat pour se planquer au prochain parking. Elle nous rejoint à son tour et crois-moi, je serais prête à tirer avant même qu’il soit devant sa portière cet enfoiré.


- Ok. Je l’appelle, garde un œil dans ton rétro, mais.. ne me mate pas trop non plus. Bisouuuuuuuuuuuuus !


Il me raccroche au nez en gloussant, puis je le vois collé au cul de ma bagnole tout en me faisant un doigt d’honneur. J’éclate de rire. Cela me rappelle les soirées que nous faisions à l’époque. On était con, mais qu’est-ce qu’on rigolait. L’adrénaline c’est ce qui nous porte tous les trois. Et je pense que l'armée n’a rien arrangé. Les cours de tirs, les séances de boxes parfois sanglantes, les missions, tout a nourri nos esprits déjà complètement déglingués par nos vies.


Je regarde à nouveau dans mon rétroviseur et vois Max me faire un signe de la main, sérieusement cette fois. Mon pied enfonce alors l’accélérateur afin de doubler l’inconnu, puis Kat. Après avoir roulé dix bonnes minutes, nous nous trouvons sur le parking d’une ancienne épicerie désormais à l’abandon, c'est une fois complètement caché dans l'ombre que je retire ma ceinture ainsi que le cran de sureté de mon arme. Je glisse sur mon siège et me place prête à faire feu. Max se trouve de l'autre côté afin de couvrir au maximum. Les secondes paraissent une éternité avant que notre amie ne fasse son apparition suivie de peu par le motard qui débarque devant son capot. Mon cœur rate un battement lorsque sa main glisse dangereusement à l’intérieur de sa veste. Merde. Putain. Je vise son épaule avant qu’il n’eut le temps d’attraper je-ne-sais-quoi. Un second coup de feu qui n’est pas le mien part en plein dans sa cuisse. Le mec tourne la tête dans ma direction et je crois arrêter de respirer à cet instant. Il détale à une vitesse folle et sans réfléchir, je pars à sa poursuite. Mais à cause de sa vitesse bien trop puissante, je le perds de vue. Je fulmine lorsque mon téléphone sonne.


- Ravie de te savoir toujours vivante ! J’ai essayé de suivre cet enfoiré, mais sa vitesse a eu raison de mon vieux tacot.

Dis-je à Kat, dépitée.


- Merci Bé, maintenant rentre chez toi tu veux !

Son ton est las, le contrecoup probablement.


- Passe devant je te suis jusque chez toi et après je rentre.

Je l’entends soupirer un "d'accord", puis au même moment j’invite Max à cet appel.


- CETAIT DIIIIIIIIIIIIINGUE ! Vous m’avez manqué bordel de merde ! On peut programmer des courses poursuites tous les trois jours ?

Dit Max visiblement surexcité.


- Ferme-la.

Nous disons en cœur d'une voix grave. Je pouffe de rire puis raccroche sans piper mot. Notre trio de zinzins m’avait putain de manqué. Finalement, il n'a pas tort, on devrait faire ça plus souvent.


 

3. L'ODEUR DU PASSÉ

Béryl – Seize ans


Fin prête pour passer ma dernière soirée avec Zayne, je m’accroche à sa taille tandis qu’il conduit son scooter. Hier nous nous sommes amusés à retracer notre enfance à travers ces rues, ces écoles, ces parcs. Des souvenirs tous des plus délirants ! Demain c’est le grand jour, celui de son déménagement, mais, comment je vais faire s’il n’est plus là, chez qui vais-je pouvoir me réfugier lorsque les cris sont trop fort à la maison ? Je ne pourrai plus enjamber sa fenêtre pour le rejoindre ni me rendre sur le toit de sa maison pour rêver ensemble. Qui va me rappeler que j’existe, que j’en vaux la peine ? Je serais seule, complètement seule sans échappatoire face au chaos de mon foyer. On a grandi ensemble, mais maintenant, je vais devoir apprendre à vivre loin de lui. On s'est promis de s'appeler, de se voir pendant les vacances. On se l'est promis.


Je ravale mes larmes lorsque Zayne arrête le scooter au bord du lac, notre endroit favori. On installe la serviette, les snacks, les bières, les clopes, tous les interdits sont possibles ici. Un moment hors du temps où notre quotidien s’apparente à une normalité. Zayne s’est allongé tandis que je m’assois en tailleur. Je sens son regard sur moi, je lève un sourcil amusé lorsque ce dernier se redresse pour me fixer d’une manière encore inconnue.


— Tu sais.. je serai toujours là Blue, à 300m ou 300km, et toi, tu seras toujours ici.

Dit-il en tapotant son cœur.


Mes yeux passent plusieurs fois de sa main à ses yeux, puis de ses yeux à ses lèvres. Je plante mes dents dans la mienne et dans une urgence absolue, je fonds sur sa bouche. Je perds le contrôle de moi, de mes gestes, de mon corps, de tout. La chaleur de sa main se répand sur ma nuque et mon ventre se tord sous la tension électrique de sa langue qui rencontre la mienne. Ses doigts glissent sur mon corps, lentement, millimètre par millimètre, comme s’il voulait laisser son empreinte sur chaque parcelle de ma peau, provoquant des pulsations dans l’entièreté de ma chair. Je ne connais pas encore ces sensations, jamais personne ne m’a touchée intimement parlant, jamais on ne m’a embrassée de cette façon. C’est intense, encore plus puissant lorsqu’il resserre sa prise sur ma nuque, ce qui m’arrache un gémissement contre ses lèvres.


— Béryl, arrête-moi.

Murmure-t-il sa bouche posées sur mon cou avant de lever ses yeux vers les miens, puis il reprend.

— Dis-moi stop et j'arrêterai.


— N..non. Je veux que ce soit toi Zayne, ça a toujours été toi, de.. depuis toujours.

Dis-je alors que je sens le rouge me monter aux joues. Je n’avais encore jamais réalisé la puissance de mes sentiments à son égard, ça me brûle à l’intérieur, me déchire et m’anime en même temps. J’ai pourtant l’habitude d’avoir le contrôle de tout, mais à cet instant, je vacille à 100%.


— Putain.. pourquoi on a attendu si longtemps..

Sa voix est pleine de remords, de non-dits, mais je le comprends et me pose la même question.


Ses lèvres se posent à nouveau sur les miennes sans me laisser le temps de prononcer un seul mot. C’est comme si ses baisers m’avaient manqué toutes ces années sans en connaitre le gout ni l’intensité. Alors, je me laisse porter en fermant les yeux dans les seuls bras ou je me sens en sécurité. Ceux de l’homme dont je suis terriblement amoureuse depuis toujours et pour toujours.


Je me réveille de l’un de ces fichus rêves qui reviennent sans cesse depuis que j’ai bossé sur le dossier du père de Zayne. L’impression de revivre nos souvenirs durant mes nuits, comme un rappel, un vieux film terni. Il y a-t-il un message que je n’ai pas su voir ? Est-ce qu’il sait que son père a été assassiné ? Bon. Il ne le portait pas vraiment dans son cœur. Hormis leur lien de sang, ils n’avaient pas grand-chose en commun. Bref. A-t-il essayé de me retrouver depuis toutes ces années ? Est-ce qu’il m’aimait réellement ? Putain j’aurai vendu mon âme au diable pour ce mec, est-ce qu’il était prêt à faire de même ?


Je tâtonne sur les draps afin de mettre la main sur mon portable, mais je ne trouve que ma boule de poil préférée qui se blottit contre mon flan en ronronnant. Nous restons de longues minutes avant que l’appel du café ne se fasse trop intense ! Je m’assois au bord du lit, le réveil annonce 4:28. Mon visage entre les mains, j’essaie de mettre un peu d’ordre dans ma tête avant de me mettre en action. Mais c’était sans penser au dossier « Zayne » que Liam m’a donné qui se trouve actuellement éparpillé sur le sol, j'avoue avoir passé mes dernières nuits focalisée sur chaque ligne. Mon pied glisse sur les feuilles et je manque de m’éclater le cul par terre.


— Arghhh !! Même en papier tu m’emmerdes, sale con.


Je fulmine tout en regroupant les feuilles que je jette maladroitement sur le lit avant de filer dans la cuisine. Le clair de lune éclaire tendrement l’intérieur de mon appartement. J’enclenche ma cafetière et sors une cigarette de mon paquet tout en prenant la direction du balcon accompagnée de Malo, comme tous les matins. Je m’assois et essaie de me concentrer sur le ciel encore noir. Malgré les lumières environnantes, si l’on se concentre assez longtemps sur ce dernier, nous arrivons à voir des détails, des étoiles. La magie du ciel m’a toujours fascinée, apaisée, comme si mes pensées se remettaient dans l’ordre rien qu’à la vue de cette immensité.


Aujourd’hui va se tenir l’enterrement de Gabriel Cruz, le père de Zayne. Je pourrai m’y rendre, bien que ma présence serait vraiment déplacée. Le défunt se retournerait probablement dans sa tombe en ma compagnie ! Et si.. hum.. non on ne va pas le faire en catimini.. ce serait mal.. vraiment mal.. bon d’accord on va le faire.


*


Il est 14h, l’enterrement a déjà commencé au vu du nombre de voitures sur le parking du cimetière. Je sors de mon vieux 4x4 et me dirige vers l’entrée en positionnant ma capuche de manière à masquer mon visage. Je m’avance assez proche, mais en restant en recul afin de ne pas me faire griller. L’épaule contre un arbre, ma cheville croisée devant l’autre, j’observe la scène ou plutôt la pièce de théâtre qui se tient devant moi. À deux doigts d’applaudir ces hypocrites qui pleurnichent devant la tombe de cet enfoiré. Puis je le vois, lui, l’homme qui hante mes nuits depuis des semaines, celui qui m’a détruit le cœur. Mon rythme cardiaque s’affole et je reste bouche bée devant cette vue, devant l’homme qu’il est devenu. Zayne se tient droit comme i aux côtés de sa mère. Les deux ont le visage impassible, froid comme la pierre. Sa mâchoire se serre et se desserre dans un rythme régulier, je me demande quelles pensées le mettent dans un état pareil. Il n’avait aucune relation avec son paternelle, d’autant plus qu’il avait connaissance de ses déviances. Son regard se tourne vers une vieille dame qui sanglote et le dédain apparait soudainement dans ses yeux avant qu’il ne les lève au ciel. Je pince mes lèvres afin de réprimer un rire. S’il y a bien une chose qu’il détestait -ce qui est visiblement toujours d’actualité-, c’est le mensonge, tout comme l’hypocrisie, alors je n’ose imaginer la contrariété qui l’anime à cet instant. Malgré tous mes efforts, un léger ricanement s’échappe entre mes lèvres. Son visage pivote quelque centimètre de plus, pile dans ma direction. Je me fige et mon sourire s’efface instantanément. Mon dieu. Zayne. Les mêmes yeux noirs, pourtant tellement différents, où est donc passée l’étincelle dans ce si doux regard. Je me redresse et le vois se tendre à mon mouvement. Merde. Il faut que je me tire d’ici. Je rebrousse chemin vitesse grand V sans un regard en arrière tandis que tous mes sens se mettent en alerte. Je saute derrière mon volant tout en mettant le contact sans perdre une seconde. Mes pneus crissent sur les graviers lorsque je démarre à vive allure. Zayne apparait dans mon rétroviseur s’arrêtant de courir lorqu’il comprend que l’inconnu a quitté les lieux. Il a probablement un tas de questions dans son crâne. Tant mieux, au moins nous sommes quittes cette fois.


Je profite d’un feu rouge pour lancer l’itinéraire enregistré plus tôt sur mon GPS, ce dernier m’indique une arrivée dans 15 minutes. Parfait, le bon timing pour me remettre de cet épisode avant le prochain. Je me refais la scène, son visage, ses traits bien plus forts qu’à l’époque. Aucun doute, c’est bel et bien un homme que j’ai face à moi aujourd’hui, bien plus grand et baraqué que l’adolescent d’autrefois. Bien plus sombre également. Putain Zayne qu’est-ce qui s’est passé dans ta vie pour t’éteindre à ce point. Bon la situation n’était pas propice à une petite danse au milieu des pierres tombales, certes, mais il avait constamment un brin de malice dans ses iris, chose que je n’ai pas retrouvée.


Je me gare proche de la fameuse adresse. Grâce aux informations que Liam a trouvées sur Zayne, j’ai pu situer son logement, alors profitons de son moment en famille pour.. voir.. je ne pas réellement quoi encore.. mais allons-y gaiement ! Oui c’était impulsif et Liam me tuerait s’il apprenait, mais gardons le secret. Je m’avance donc à pied vers le parking sous-terrain afin de prendre l’ascenseur, cela m'évite l’entrée principale. Direction le troisième étage. L’endroit est clean, neuf, il doit vraiment être blindé l’enfoiré ! D’après mon binôme, il vit à New York, mais aurait acheté cet appartement il y a quelque temps. Aucune mention de colocataire ou concubine cependant mon cœur ne peut s’empêcher de se serrer lorsque je crochète sa porte d’entrée. Elle s’ouvre et m’offre une vue sur la grande pièce principale, le style est cosy, épuré, dans les tons naturels. C’est chaleureux. Je ferme la porte et observe tout autour de moi, un tas de papier est posé sur l’ilot central, je m’en approche et .. merde. « Dossier Domènes ». J’en étais sûre, lui et son équipe sont venus prêter main-forte à la police de Boston pour clôturer ce dossier, sans savoir que j’agis déjà dans l’ombre. Ma justice sera plus radicale que la leur et j’ai hâte d’en finir avec cette pourriture, cette information va me pousser à être encore plus vigilante. Je prends en photo les nouveaux éléments concernant l'enquête et m’avance vers une porte fermée. Sa chambre. Son odeur, le même parfum qu’à l’époque se balade dans la pièce, la rendant enivrante. Je tire un sweat et pose mon nez dessus, ouais, le même. Je le détache du cintre et l’enroule sur mes épaules, ça m’en fera un de plus. Un grand cadre avec diverses photos attire mon attention, je m’en approche, mon cœur manque un battement. Des photos de nous deux au milieu de celles avec ses proches.


— Bordel de merde.. tu ne m’as pas oubliée.

Dis-je dans un souffle en caressant la photo. Je les contemple je ne sais combien de temps en revivant chacun de ces souvenirs photographiés. Les larmes me montent aux yeux, je secoue la tête en reprenant le contrôle sur l’instant présent. Il est temps de partir. Je fais demi-tour en balayant une larme et m’avance vers la porte de la chambre lorsque le son de la serrure m’arrive aux oreilles. Merde. Putain. Merde c’est lui, proche, trop proche, c’est un flic, c’est la putain de merde. Mon regard parcourt la pièce en quête d’une cachette. Je suis coincée. Tant bien que mal je me glisse sous le lit, mon cœur bat si fort qu’il résonne probablement dans la pièce, partagé entre l’amour du passé et la haine du présent. Ses pas s’avancent, puis la porte de sa chambre finit de s’ouvrir si fort qu’elle rebondit contre le mur. D’après la position de ses pieds, j’en déduis qu’il est actuellement armé. J’espère que mon téléphone est en silencieux. Pitié, ne m’appelez pas pendant la prochaine heure ! Zayne continue de faire le tour de l’appartement avant de marmonner dans sa barbe. La tonalité d’un appel résonne entre les murs.


— Ouais j’ai besoin de toi, on a crocheté ma porte. Hum.. non non rien.. Ouais.. c’est ce que je pensais.. Hum.. Ok à toute.


Je n’entends pas les réponses de son interlocuteur alors je me concentre sur sa voix sans réellement écouter ses mots. Sa voix, me donnant envie de courir dans ses bras. Je réalise que je ne respirais plus, que je n’étais plus vraiment présente lorsque le bruit de la douche m’apparait, me faisant sortir de cette léthargie. Il me faut une bonne minute pour enfin reprendre le contrôle et sortir de ma planque. Je me relève aussi doucement que possible et m’assure que la voie est réellement libre. Sur la pointe des pieds je me dirige vers l’entrée. J’ouvre la porte avec toute la douceur que je n’ai pas et .. cette conne claque dans mon dos. Putain de putain. Je dévale les escaliers à une telle rapidité que mes jambes volent jusqu’à ma destination. Mon cœur va faire un arrêt cardiaque avec ces conneries, mais qu’elle est bonne cette adrénaline bordel ! Je cours en vain jusqu’à ma voiture et reprends la route pour rentrer, assez d’aventure pour aujourd’hui. Derrière mon volant, me voilà prise d’un fou rire incontrôlable, un fou rire qui se transforme en.. merde je chiale ou quoi ! Un sanglot ravage mon âme pendant que ma mémoire refait le film de ma vie, puis je revois ses photos, ses yeux, son odeur, me remémore sa voix. Je réalise qu’il est là, tout près de moi, mais ce n’est pas pour cette raison qu’il est revenu.


J’avais pourtant laissé cette histoire derrière moi bien que son silence m’ait complètement brisée. Vous savez, certaines relations s’achèvent et ainsi va la vie, néanmoins lorsque deux êtres se promettent de prendre soin l’un de l’autre, de veiller l’un sur l’autre, cela devient l’unique chose à laquelle on se raccroche. Après son départ, me focaliser sur nos retrouvailles était ma pensée pansement, celle qui me permettait de survivre face aux horreurs de ma vie, de mon père. Mais lorsque son silence m’est parvenu, j’étais condamnée à errer dans ce chaos en solitaire. « Depuis toujours et pour toujours » était pourtant notre mantra, notre promesse. Avec Zayne ma vie avait un sens, j’existais vraiment, j'envisageais un futur plus doux, moins violent. Finalement, ai-je été un poids pour lui ? Je n’ai jamais eu de réponses, si bien que j’ai enterré les questions depuis bien longtemps. Cependant, le revoir a fait resurgir ce passé, ces sentiments, ceux que je refuse de ressentir depuis, depuis lui. Je me suis promis de tout faire pour ne plus être abandonnée, ne plus attendre d’être sauvée. Alors je sauve les autres et les protège comme je l'aurai aimé. Puis, Kat et Max se tiennent à mes côtés depuis ces dernières années, les seuls après Zayne à m’avoir accepté telle que je suis, sans être effrayée par ma folie ! Lorsque j’étais gamine, les gosses étaient…


La sonnerie de mon téléphone me fait sortir de mes souvenirs. Liam.


— Allo ?


— QU’EST-CE QUE JE T’AVAIS DIT BERYL !

Dit Liam visiblement hors de lui. Les nouvelles vont vite.


— ARRÊTE DE CRIER ÇA NE CHANGERA RIEN !!

Je lui rétorque du même ton.


— Putain j’étais sûre que c’était toi, mais qu’est-ce qui t’as pris bon sang, Béryl ! T’as frôlé la mort une fois de plus.

Me répond-il plus doucement en serrant les dents.


— Je ne sais pas Liam, la curiosité. Ouais, c’était impulsif. Mais j’ai pu jeter un œil sur son dossier en cours, il est bien sûr Domènes, tu le savais ?

Dis-je d’un ton las, déjà épuisée par cet échange sans intérêt. La mort ne me fait plus peur depuis bien longtemps. Puis je demande, aurait-il tiré ? Je sais que certains flics veulent ma peau, ceux qui vivent pour les lois et rien que les lois, en ferait-il parti ?


— Je l’ai appris ce matin, j’avais prévu de t’appeler ce soir pour te donner les news. L’équipe part en repérage la semaine prochaine, Béryl, il va falloir agir vite.


— Hum.. Écoute Liam..

Je soupire en me pinçant le nez avant de reprendre.

— Laisse-moi 24h pour assembler toutes les infos. Je t’appelle demain.


— Ne traine pas. Je ne prendrai pas le risque de perdre un autre homme, ou te perdre toi. Et par pitié, calme tes ardeurs de stalkeuse, salle folle !

Je l’entends retenir un rire. Nous avons le même âge et pourtant son tempérament est bien plus réfléchi, je dois l’admettre. Liam tient une place importante dans mon cœur proche de celle pour Kat et Max, bien que nous nous connaissions seulement depuis une petite année, c’est homme de confiance j’en suis persuadée.


— T’es mignon quand tu t’y mets, c’est mieux que de me démonter l’oreille abruti !

Ma bouche façonne un sourire qui rentre en collision avec la dernière larme sur ma joue.


— Et toi t’es ingérable sorcière ! Allez, repose-toi. À demain!

Répond-il d’une voix enjouée avant de raccrocher.


*


Je passe la porte de mon appartement et me jette sur mon canapé, Malo a mes trousses comme toujours ! Je retire mon sweat et enfile celui que je lui ai volé. Le nez dans l’encolure, j’inspire son odeur et ferme les yeux. Un instant, comme avant, ce sentiment de sécurité. Dans cette bulle loin du danger, comme la Béryl que j’étais onze ans auparavant. Je me laisse porter par ce doux réconfort, accompagnée de la sensation d’être enfin à la maison. Je sors de ma poche la photo que j’ai retirée de son cadre et m’arrête sur l’inscription au dos que je murmure comme dans mes souvenirs.


— Depuis toujours et pour toujours.


 

 


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